Dans le monde des ressources humaines, nous sommes constamment confrontés à prendre des décisions cruciales, tant du point de vue organisationnel qu’humain. Après tout, il sera toujours question d’humain ici, d’individus. Que ce soit pour embaucher un nouveau collaborateur, évaluer la performance d’un employé, ou résoudre des conflits au sein de l’entreprise, une prise de décision éclairée est essentielle. Néanmoins, il est important de reconnaître que nos processus de pensée ne sont pas toujours aussi objectifs que nous le voulons, voire que nous le croyons. Les biais cognitifs, ces mécanismes mentaux inconscients qui influencent nos décisions, jouent un rôle majeur dans le monde du travail. Dans cet article, nous allons explorer ce concept et ses implications dans le contexte des ressources humaines.
Les Biais Cognitifs : Qu’est-ce que c’est ?
Les biais cognitifs sont des distorsions dans notre pensée qui affectent la façon dont nous percevons et traitons l’information. Ils sont omniprésents dans notre vie quotidienne, et nous les retrouvons à la fois chez nos collègues et en nous-mêmes. Pour mieux comprendre ces mécanismes, jetons un coup d’œil sur certains d’entre eux qui ont un impact significatif dans le milieu professionnel.
Les Fondements des Biais Cognitifs
Les biais cognitifs, bien que largement répandus, n’ont été systématiquement théorisés que dans les années 1970 par les psychologues Amos Tversky et Daniel Kahneman, récompensés par un prix Nobel d’économie pour leurs travaux à ce sujet. Ils sont également parfois appelés « illusions cognitives » car ils simplifient notre réflexion et notre prise de décision, rendant le processus plus rapide et moins énergivore. Ces biais ont initialement été étudiés dans le contexte de l’analyse des comportements économiques, mais leur influence s’étend à tous les aspects de nos vies, y compris le monde du travail, et sont désormais analysés comme tels.
Système 1 vs. Système 2
Avant toute chose, il est important de noter que notre cerveau fonctionne avec deux systèmes, appelés systèmes 1 et 2, qui sont complémentaires et peuvent se relayer en fonction des besoins. Les biais cognitifs sont en grande partie le fait du « système 1 » de notre cerveau, qui repose sur l’intuition, l’association, et la rapidité. À l’inverse, le « système 2 » repose sur l’analyse, la réflexion et la complexité. Ce deuxième système est donc beaucoup plus gourmand en énergie et est donc parfois désactivé par souci d’efficacité. Pour éviter les pièges des biais cognitifs, il est donc essentiel de reconnaître les situations où le système 1 pourrait nous conduire à des erreurs de jugement, notamment dans le domaine des ressources humaines.
Un Exemple Concret : Le Biais de Conjonction
Pour illustrer un biais cognitif en action, prenons un exemple classique : le biais de conjonction. Dans une expérience menée par Kahneman et Tversky, les participants devaient estimer la probabilité que Linda, une femme décrite comme célibataire, diplômée en philosophie, et ayant des préoccupations sociales, soit plus probablement une employée de banque et militante féministe qu’une simple employée de banque.
La plupart des participants ont commis l’erreur de classer la première option comme étant plus probable, bien que mathématiquement, cela soit faux. Ce biais de conjonction est le résultat de notre tendance à privilégier les informations qui semblent plus « logiques » ou « concordantes » avec la description de Linda, plutôt que d’adopter une approche analytique.
Système 1 vs. Système 2
Les biais cognitifs sont en grande partie le fait du « système 1 » de notre cerveau, qui repose sur l’intuition, l’association, et la rapidité. À l’inverse, le « système 2 » repose sur l’analyse, la réflexion et la complexité. Pour éviter les pièges des biais cognitifs, il est essentiel de reconnaître les situations où le système 1 pourrait nous conduire à des erreurs de jugement, notamment dans le domaine des ressources humaines.
Les Quatre Dimensions des Biais Cognitifs
Tous les biais cognitifs peuvent être classés en quatre dimensions, qui jouent chacune un rôle essentiel dans nos processus de décision en milieu professionnel.
- Information : Nous sommes souvent submergés par une quantité excessive d’informations, ce qui nous oblige à faire un tri. D’autant plus actuellement, alors que le concept d’infobésité, notamment développé par l’instantanéité permise par les réseaux sociaux. Dans le recrutement, par exemple, il est vital de sélectionner les données pertinentes pour prendre des décisions éclairées, alors que sur certains postes, on peut crouler sous les CVs à analyser.
- Sens : Dans un environnement professionnel, nous devons souvent interpréter la signification des actes, des paroles et des résultats. Les biais cognitifs peuvent nous amener à mal interpréter ces signaux, conduisant à des jugements erronés.
- Action : En raison des contraintes de temps, il est fréquent de prendre des décisions rapides en entreprise. Cependant, cette précipitation peut être alimentée par des biais cognitifs. Prendre un peu de recul pour analyser la situation peut éviter des erreurs coûteuses. Parfois, chi va piano va sano !
- Mémoire : Notre mémoire a des limites, et nous ne pouvons évidemment pas tout retenir. Nos biais cognitifs peuvent influencer ce que nous choisissons de mémoriser, ce qui peut entraîner une vision déformée des événements passés.
La prise de décision en matière de ressources humaines est une tâche complexe qui nécessite une pensée claire et objective. Comprendre les biais cognitifs et leurs mécanismes est donc crucial pour éviter des erreurs coûteuses et prendre des décisions éclairées. En gardant à l’esprit que ces biais existent, qu’ils peuvent se cacher partout et avoir des impacts à long terme dans toute l’organisation, urbi et orbi. Par exemple, on parle beaucoup d’intelligence artificielle en ce moment, mais chaque intelligence artificielle et son impact dépend des données qui lui ont été soumise pour leur entraînement. Une sélection de données biaisée, et c’est toute l’intelligence artificielle qui le serait. De leur côté, les responsables RH peuvent mettre en place des stratégies pour minimiser les impact de ces biais sur les processus de recrutement, d’évaluation et de gestion des talents. En fin de compte, cela contribuera à des décisions plus équitables et à une meilleure gestion des ressources humaines.
Top 10 des Biais Cognitifs en Entreprise
En tant que professionnels des ressources humaines, notre rôle est souvent de « décoder » les autres, de comprendre ce qu’ils pensent, ce qu’ils veulent, et comment ils se comportent. Cependant, il est impératif de prendre conscience des biais cognitifs qui peuvent influencer nos propres jugements, en étant aussi capable de reconnaître et analyser ceux des autres. Pour vous aider dans cette démarche, nous allons explorer les dix biais cognitifs les plus courants que vous êtes susceptibles de rencontrer dans le monde des RH.
- Heuristique de disponibilité : Ce biais consiste à baser nos jugements sur les informations immédiatement disponibles en mémoire. Par exemple, si un candidat a récemment fait l’objet de discussions dans l’entreprise, cela peut influencer notre perception de sa pertinence pour le poste convoité.
- Biais d’ancrage : Les premières impressions ont tendance à dominer notre jugement. Il est important de ne pas laisser les premières impressions brouiller notre évaluation approfondie des candidats ou des collaborateurs en poste.
- Biais de l’angle mort : Nous avons tous des biais cognitifs, mais nous avons souvent du mal à les reconnaître en nous-mêmes. Il est crucial de rester vigilant pour détecter nos propres biais et les corriger, afin de ne pas fausser in fine nos jugements.
- Biais d’empathie : Ce biais implique de démontrer une différence d’empathie en fonction de la personne ou du contexte. Il est essentiel d’appliquer une approche équitable et cohérente dans nos interactions avec les collaborateurs.
- Fixité fonctionnelle : Nous avons tendance à nous concentrer sur l’utilisation ou la fonction habituelle des choses ou des personnes. Il est important de reconnaître la polyvalence et le potentiel des collaborateurs au-delà de leur rôle actuel.
- illusion de transparence : Ce biais nous pousse à croire que nous comprenons les autres mieux qu’ils ne se comprennent eux-mêmes. Il est alors primordial de faire preuve d’humilité et de chercher à comprendre les motivations et les besoins réels des individus, sans tirer de conclusion hâtive.
- Biais de résultat : Se concentrer sur le résultat à long terme d’une décision plutôt que sur les qualités à court terme de ces décisions. Il est important de ne pas sacrifier le bien-être à court terme des collaborateurs pour des gains à long terme.
- Effet de halo : Ce biais consiste à juger une personne dans son ensemble en se basant sur une seule caractéristique. Nous devons évaluer les collaborateurs de manière plus holistique et équilibrée.
- Hypothèse du monde équitable : Le biais de l’hypothèse du monde équitable nous pousse à croire que nous obtenons toujours ce que nous méritons. En réalité, la vie et la carrière sont souvent plus complexes que cela.
- Sophisme des anecdotes : Il s’agit de confondre une anecdote ou un fait isolé avec une vérité universelle. Dans le monde des RH, il est important de se baser sur des données et des preuves solides et concrètes pour prendre des décisions éclairées.
La reconnaissance et la gestion des biais cognitifs sont essentielles pour les professionnels des ressources humaines. En comprenant ces mécanismes, vous serez mieux préparés à prendre des décisions éclairées, à évaluer les candidats de manière impartiale, et à favoriser un environnement de travail équitable. En combinant ces connaissances avec votre expertise en gestion des ressources humaines, vous pouvez contribuer à des processus décisionnels plus justes et à des relations professionnelles plus solides au sein de votre organisation.
Vous pouvez en découvrir davantage en téléchargeant notre infographie sur les biais cognitifs ici :